La situation dans le pays des hommes intègres devient de plus en plus inquiétante depuis que le jeune capitaine Ibrahim Traoré a décidé de donner une allure dictatoriale à son régime.
Pour comprendre ce qui se passe actuellement au Burkina Faso avec Ibrahim Traoré, un retour au premier coup d’état perpétré en janvier 2022 nous apparait important. On a souventl’habitude de dire quel’histoire permet de connaitre le passé afin de comprendre le présent et de mieux envisager l’avenir. Ibrahim Traoré fait partie des officiers qui avaient renversé le président Roch Marc Christian Kaboré le 24 Janvier 2022 et porté au pouvoir le lieutenant Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba. Le 30 septembre 2022, Ibrahim Traoré prend le pouvoir après avoir renversé par un coup d’état son ancien compagnon Damiba. Voici les raisons qu’il donne pour justifier son coup d’état : la dégradation de la situation sécuritaire et le non respect des engagements par Damiba. Il prend ainsi la tête du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration ; il est alors âgé de 34 ans seulement. Il est investi le 21 Octobre 2022 président de la transition par le conseil constitutionnel devenant ainsi le premier musulman à accéder à ce poste depuis le renversement de Saye Zerbo en 1982 et le président le plus jeune dans le monde. Le 3 février 2023, Ibrahim Traoré annonce de grandes offensives à venir contre les djihadistes et appelle au soutien populaire. En avril 2023, il décrète la mobilisation générale. En mai, il évoque les “pays amis “ avec lesquels il construit ou se renforce une coopération militaire : la Russie dont la milice paramilitaire Wagner, la Turquie qui lui fournit des drones Bayraktar TB2, ainsi que la Corée du Nord, qu’il envisage également comme un fournisseur d’armes. Décidant de durcir la lutte contre le terrorisme, son gouvernement organise un recrutement exceptionnel de 3000 militaires du rang, ainsi qu’un enrôlement de 50000 supplétifs ”volontaires pour la défense de la partie” .
Grace à son jeune âge, son expérience du terrain et son langage, Ibrahim Traoré séduit auprès de la jeunesse, qui compte pour plus de 70 pourcent de la population mais reste largement sous représentée au sein des institutions politiques. Il invoque alors régulièrement les idéaux de Thomas Sankara lors de ses discours, tels que la lutte pour la souveraineté nationale et le rejet de l’impérialisme. Il adopte une politique anti française. Et se rapproche de ses alter ego du Mali, de la Guinée et du Niger. Un panafricanisme de façade, puisque le but de ce rapprochement des anciens putschistes, c’est de protéger leur pouvoir contre une éventuelle attaque de la France En septembre 2023, il échappe à une tentative de coup d’état et fait appel aux militaires russes pour assurer sa protection .
Le 25 mai 2024, au terme de nouvelles assises de la transition auxquelles ne participent pas les collectifs de la socièté civile et les partis opposés à Ibrahim Traoré, la transition est prolongée de cinq ans à partir du 2 juillet 2024 par l’adoption d’une nouvelle charte qui accorde à celui-ci le titre de président de Faso, et lui permet de se présenter aux prochaines élections. Ces assises ont lieu quelques jours après des assises similaires chez l’allié malien, qui prolongent également la transition de cinq ans. Le 11 juin 2024, une attaque par les djihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux muslumans a lieu dans la base militaire et dans la commune de Mensila (Est du pays) et fait une centaine de morts parmi des soldats burkinabé. Le lendemain, le 12 juin, un obus est tiré sur le siège de la télévision nationale, à proximité de la présidence à Ouagadougou sans qu’on sache qui a tiré. Ce n’est que deux jours après que le capitaine apparaît.
Le régime d’Ibrahim Traoré, un véritable système de répression et d’intimidation
Depuis qu’Ibrahim Traoré est au pouvoir, il n’a tenu aucune de ses promesses qui justifiaient son coup d’état. Celui que ses partisans considéraient comme un sauveur, une figure messianique, apparait chaque jour aux yeux de ses détracteurs comme un dictateur, un autocrate paranoïaque, qui cherche désormais des boucs-émissaires. Convaincu d’être investi d’une mission, l’homme a mis son pays en cloche. Au Burkina Faso, les arrestations et “réquisitions” de personnalités critiques contre la junte d’Ibrahim Traoré se multiplient. On peut citer la disparition de deux jeunes cadres du Balai citoyen, mouvement phare de la société civile burkinabé. La presse est totalement muselée, les médias étrangers, surtout occidentaux sont des menteurs, selon le chef de la junte. La Commission Nationale des Droits de l’homme, la seule institution qui parle encore librement se montre particulièrement préoccupée par ces arrestations et enlèvements des citoyens par des individus non identifiés et en dehors de toutes procédures adéquates. A cela s’ajoute la non exécution des décisions de justice. On observe via les réseaux sociaux et lors des manifestations publiques la montée d’un discours qualifié de haineux chez beaucoup de Burkinabés. L’accroissement de la dette intérieure n’est pas en reste ; La situation sécuritaire est plus qu’alarmante, une grande partie du pays est terrorisée par des groupes armés. Et le 11 juin dernier une attaque dihadiste a fait une centaine de morts parmi les soldats. Cette situation ne plait pas aux forces armées ; pendant ce temps le jeune capitaine renforce son pouvoir, il n’est plus président de la transition , l’homme est devenu président du Burkina Faso ; il a prolongé la période de transition à 5 ans. Entretemps les soldats maliens et russes sont arrivés à Ouagadougou pour renforcer sa protection ,mais pas celle de la population ou du territoire. Le Jeune capitaine est plutôt préoccupé de la protection de son pouvoir que du développement et de la sécurité de ses concitoyens ; Les Burkinabés vont-ils accepter encore cette situation pendant cinq bonnes années? Voilà la question.
Jean Pierre Ombolo