Potentiel International

AFRIQUE : LA GUERRE DES ESPRITS ENTRE MOSCOU ET PARIS

Le ministre russe des affaires étrangères SERGUEÏ LAROV est dans sa sixième tournée en Afrique en deux ans. Dans un périple qui l’a amené en Guinée, au Burkina Faso, au Congo-Brazzaville et au Tchad, le diplomate russe entend renforcer la coopération entre son pays et les Etats Africains.

Le chef de la diplomatie russe a poursuivi son offensive africaine du 3 au 5 juin, avec cette fois ci quatre pays qui étaient jusque là considérés comme relevant du pré-carré français. Il avait précédemment visité la Guinée, le Congo-Brazzaville et le Burkina- Faso. En poste depuis 20 ans, M. Lavrov est l’un des artisans du retour de la Russie sur le continent, ravivant des liens distendus après la chute de l’URSS, pour chercher à s’offrir des soutiens contre un “bloc occidental hostile“ depuis que Moscou a déclaré la guerre à l’Ukraine.Au Tchad, la Russie est encore peu implantée, mais les deux pays entretiennent une relation de basse intensité, ponctuée de contacts réguliers et de visites diplomatiques, depuis la signature en 2013 d’un “plan de coopération”. Leurs rapports se sont néanmoins refroidis au début de la transition entamée à la suite de la mort d’Idriss Déby Itno, tué en Avril 2021, Ndjamena accusait alors Moscou d’attiser à travers le groupe Wagner les mouvements de déstabilisation à ses frontières. Ndjamena accusait également Moscou d’avoir entrainé la rébellion du FACT (Front pour l’alternance et la concorde) contre laquelle Idriss Déby avait trouvé la mort et qui avait pour base arrière, l’Est de la Lybie que contrôle le général AFTAR soutenu par la Russie. Au Tchad comme dans d’autres pays africains qui ont choisi la neutralité dans la lutte d’influente ou la guerre des esprits à laquelle se livrent Paris et Moscou sur le continent, l’atout majeur de la Russie pourrait être politique en présentant un modèle qui privilégie l’ordre et la souveraineté plutôt que la démocratie et les droits humains. En filigrane, le message selon lequel “la démocratie mène au désordre “ pourrait séduire au Tchad où Mahamat Idriss Déby vient d’être élu à la tête de l’Etat au terme d’un processus électoral contesté. Lors de la conférence de presse , le ministre tchadien des affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, a dit ”le Tchad est un Etat souverain qui noue ses relations avec qui il veut, nous ne sommes otages de personne”. De son côté, le diplomate russe critique l’attitude de la France: ”notre relation avec la République du Tchad ne va pas influencer ses relations avec la France. La France, elle, a une autre approche: soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous”.

Au Burkina -Faso, -un autre pays visité par le diplomate russe-, le message de la négligence des droits de l’homme connait déjà un franc succès où le capitaine putschiste Ibrahim Traoré a donné un virage totalitaire à son régime, qu’il pourra asseoir grâce à d’avantage d’instructeurs russes, selon la promesse. Il vient d’ailleurs de rallonger la transition à 5 ans.

A Conakry, où le général Mamadi Doumbouya vient de fermer les principaux médias du Pays et de repousser sine die les élections, les échanges avec Lavrov ont confirmé ”la position commune et de principe de la Russie et de la Guinée sur le rejet d’un ordre fondé sur des règles imposées par l’occident”, dit le communiqué guinéen diffusé en clôture de la visite. Ajoutons que pendant que le diplomate russe se trouvait à Conakry, son homologue français s’y trouvait également. Comme on peut le constater, Paris et Moscou se livrent désormais à une guerre sans merci en Afrique. Aux africains de savoir désormais négocier avec ces partenaires qui sont à la recherche de leurs matières premières.

Jean Pierre Ombolo

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