Les commissions électorales font l’objet d’incessantes polémiques entre pouvoir et opposition. Les CENI sont devenues sources de tension politique. Y a-t-il des pays d’Afrique de l’Ouest ou du Centre qui s’en sortent mieux que d’autres ?
L’Afrique de Ouest fait-elle mieux que la Cemac? Les commissions électorales occupent désormais un rôle important dans les processus électoraux dans le continent Africain. Le phénomène est nouveau et est lié à l’environnement dans lequel nous évoluons. C’est à partir de 90 qu’on peut dire que l’on a commencé à tenter d’organiser des élections véritablement compétitives et ouvertes. Avant cette période, c’est le ministère de l’intérieur qui organisait les élections en sorte que le parti au pouvoir était en même temps juge et parti. Dans ces conditions, le résultat était connu par avance; les scores ne surprenaient personne, c’était à la «soviétique»; le parti au pouvoir l’emportait généralement à 98 ou 99%. Aujourd’hui, dans certains pays en Afrique les choses ont beaucoup changé. Vous allez au Nigéria à présent on ne sait pas qui va gagner. La dernière fois au Ghana on ne savait pas qui pouvait gagner. Au Sénégal en 2012, on savait qu’il y avait des acteurs clés mais personne ne pouvait dire que Macky Sall allait s’en sortir. On note actuellement une sorte d’incertitude sur le résultat des élections et les commissions électorales deviennent des difficultés. La gestion de ces Ceni cause problème. En Afrique de l’Ouest à l’heure actuelle, les Ceni occupent une position centrale dans les processus électoraux. Les pays anglophones en général avaient déjà l’habitude de recourir à des commissions électorales, par exemple depuis 1958 au Nigéria ou au Ghana on a eu recours à différentes formes de commission électorale pour l’organisation des élections. Les pays francophones ont sur ce point imité l’exemple de la France; pendant longtemps on a fait organiser les élections par l’administration, donc par le ministère de l’intérieur. Depuis 1995, le Benin a été le premier pays francophone de l’Afrique de l’Ouest qui a recouru à une commission électorale pour l’organisation des élections. Ce qui avait permis le départ au pouvoir de Mathieu Kérékou. Après le Benin, le système s’est répandu dans certain pays d’Afrique francophone en imitant le modèle béninois c’est-à-dire le modèle partisan ou une partie des membres de la commission électorale est désignée par les acteurs politiques. Il faut toutefois signaler que cette composition partisane des Ceni semble être un facteur de tension lorsque les principaux acteurs politiques ne veulent pas jouer franc jeu. Dans les pays où les commissions sont partisanes comme c’est le cas au Benin, au Nigéria, au Burkina-Faso, Togo, Côte-D’ivoire où les commissions électorales sont plus problématiques que dans d’autre pays dans lesquels les gens essaient de mettre en place des commissions formées de membres qui ne sont pas des personnes engagées politiquement. Dans certains pays anglophones de l’Afrique de l’Ouest (le Ghana, le Nigéria, Libéria, la Sierra Léone) le président de la République, les parlementaires et parfois d’autre institutions comme le conseil d’Etat interviennent dans la composition des commissions. Que dire de l’indépendance des Ceni? D’une manière générale, les Ceni ont encore à gagner leur indépendance, il ya encore des étapes à franchir pour que les commissions électorales deviennent véritablement indépendantes. Par exemple, dans la mise à disposition des moyens pour le travail des commissions électorales, pour les conditions qui sont faites aux membres des commissions électorales pour les protéger de l’influence des acteurs politiques; surtout pendant les périodes de gestion des élections, dans les conditions qui sont faites concernant la durée du mandat des membres des commissions électorales. Tous ces éléments influencent l’indépendance et devraient être traités de façon pertinente. Toutefois, il ya quand même des commissions en Afrique de l’Ouest qui donnent le sentiment de jouer plus ou moins bien, de leur indépendance, c’est le cas du Sénégal, le Libéria et même le Nigéria. Dans ce dernier pays, il n’y a pas de doute sur l’indépendance de la commission même si celle-ci a des difficultés. Que faut-il faire pour baisser les tensions autour du fonctionnement des commissions électorales? La question mérite d’être posée; deux regroupements de l’opposition togolaise ont demandé récemment au gouvernement de faire arrêter les travaux de la Ceni dans leur pays, tandis qu’en Guinée-Conakry, la commission électorale fait l’objet d’incessantes polémiques entre pouvoir et opposition. En Côte- D’ivoire, le front populaire Ivoirien a décidé de se retirer de la Ceni, à cause de la reconduction d’Ibrahim Bakoyoko à la tête de cette commission. Le premier constat que l’on peut faire, c’est que dans ces pays où il ya des tentions autour des Ceni, les chefs d’Etats dans ces pays ne veulent pas quitter le pouvoir, donc ne veulent pas jouer franc et mettent par conséquent à la tête de ces Ceni des gens qui leur sont très favorables. On n’a pas dit non plus qu’il devait mettre leurs opposants, mais jouer franc jeu. Comme en Côte-d’Ivoire, Alassane Ouattara est en train de jouer avec le feu. C e ne sont pas des indicateurs des agrégations économiques qui vont ramener la paix en Côte-D’ivoire, mais la justice, la vérité, le pardon. Le même problème se pose en Afrique centrale, on ne peut véritablement pas parler d’indépendance de la Ceni. Les personnes qui sont à la tête de la Ceni ont été nommées par le président de la république. Et on n’organise pas les élections pour que celui qui vous a nommé les perde. Il faut donc tout faire pour continuer à mériter la confiance du chef. Ce ne sont pas les Ceni du Tchad ou du Congo Brazzaville ou du Gabon qui vont nous démentir. Au Cameroun, les choses vont dans le bon sens, la commission électorale (Elecam) elle qui au départ, croyait faire plaisir au chef de l’Etat en ne voulant pas ouvrir le jeu a compris finalement que le locataire d’Etoudi voulait la transparence, souhaitait arranger les choses, donc le Cameroun, pour sortir par la grande porte. C’est ainsi qu’Onel I et Onel II ont disparu pour finalement laisser la place à Elecam bien que l’opposition attendait une commission électorale nationale indépendante. Pour baisser la tension qui existe autour des Ceni, la première des choses, c’est que quelque soit l’organisme qui va être chargé de gérer les élections, cet organe doit avoir le souci de s’assurer que les acteurs clés du processus sont informés et que leurs préoccupations sont écoutées et prises en compte dans la mesure du possible. Que l’organe soit complètement indépendant, comme c’est le cas au Ghana, ou que cela implique plusieurs organes y compris le gouvernement, qu’on s’assure de gagner la confiance des acteurs politiques, bien que l’organe soit un organe complètement indépendant, ils ont mis en place un cadre de concertation entre la commission électorale et les partis politiques. C’est un cadre qui fonctionne de manière permanente et qui permet à la commission d’écouter les préoccupations des partis politiques et d’en tenir compte dans la manière dont les élections sont gérées. De plus au Ghana, il ya des cadres qui associent la commission électorale et des organisations de la société civile, avec les professionnels des médias et les forces de sécurité et de défense. Ce qui permet à l’organe qui gère les élections de s’assurer qu’il est sur la même page avec la plus part des acteurs impliqués dans la gestion du processus électoral.
JPO