LA ZONE AFRICAINE DE LIBRE-ECHANGE : QUE FAUDRA-T-IL FAIRE POUR REUSSIR ?
La genèse d’une vaste zone de libre circulation des biens, des personnes remonte aux premières heures du panafricanisme, au lendemain des indépendances. Mais, il a fallu attendre 2015 pour que le projet dans sa forme actuelle prenne forme, lors d’une réunion de l’Union Africaine à Johannesburg. Trois ans plus tard, à Kigali au Rwanda, l’accord est officialisé et en 2021, la ZLECA a vu le jour. Une chose est de mettre sur pied cette importante structure, une autre est de la faire réussir .Telle est l’orientation vers laquelle s’engage ce dossier. Que faut-il faire pour que ça réussisse ?
« Ça va prendre un peu de temps », préviennent les experts
Rassembler les marchés
d’une cinquantaine de pays, à des niveaux de développement différents sur le continent, ne se fera pas en un coup de baguette. Actuellement, seulement 16% des échanges commerciaux du continent se font entre pays africains. De nombreux points sur les droits de douane sont en négociation entre les différents pays. Il faut traduire en normes consensuelles la zone de libre-échange dans un continent où on parle plusieurs langues et où divers modèles de droit commercial sont appliqués. Ensuite, il faut résoudre la question des rapports entre la nouvelle zleca et les huit communautés économiques régionales (cer) existantes.
Sortir du « modèle colonial »
L’Afrique est restée prise au piège d’un modèle économique colonial. Pour en sortir, elle doit mettre en œuvre presque « de manière agressive » le nouvel accord. Il faut amener les pays membres à supprimer les doits de douane sur 90% des marchandises qui proviennent d’un autre pays africain .Ce geste à lui seul, permettrait d’accroitre la productivité économique de 52% en deux ans, selon la commission des Nations Unies pour l’Afrique ; en d’autres termes ,quelles que soient les circonstances, il faut aller de l’avant. L’économie du continent ne pèse que 3% de l’économie mondiale et en outre morcelée entre 55 systèmes économiques différents, ce qui constitue un « énorme frein » à la croissance du continent. Avec cet accord de libre échange, il s’agit de construire des relations à l’échelle régionale et permettre aux Africains d’échanger des produits de base, mais aussi davantage de produits à valeur ajoutée. Jusqu’ici, les Africains ont commercé plus avec le monde qu’entre eux. Or, l’augmentation du commerce intra-africain est une incitation à accroitre les niveaux d’industrialisation des pays.
Une kyrielle de mesures pour la réussite de la ZLECA
Les Africains doivent s’approprier de la ZLECAF, en promouvant l’ingénierie commerciale, financière et numérique. Ce qui va générer le pouvoir d’achat, donc la valeur ajoutée. Un marché n’est pas une masse de populations pauvres, les Africains doivent être désormais des créateurs de richesses ; intégrer l’espace par des fonctions de production ; identifier les compétences économiques de tous les pays et les mettre en valeur ; rendre visibles les opportunités pour le secteur privé ; la plus grande intégration, c’est la production, plus de production, plus de commerce, peu de production, peu de commerce. L’Afrique consomme ce que qu’elle ne produit pas et produit ce qu’elle ne consomme pas ; il faut intégrer les zones de production dans les zones de libre échange, c’est une expérience qui a réussi ailleurs ;intégrer les chaines régionales de production, développer le chaines globales de valeur ;promouvoir le politiques industrielles d’accompagnement et trouver des capitaux parce que une zlecaf sans argent ne servira à rien ; investir dans les recherches ; l’Etat doit encourager, accompagner, protéger et promouvoir les investisseurs qu’ils soient locaux ou étrangers ;émergence d’une classe moyenne ;dans les pays, il faut identifier les secteurs et les produits stratégiques à promouvoir et à protéger.
Commencer au moins une première transformation ; en RDC, on retrouve beaucoup de matières premières sans véritable politique de transformation ; par exemple de grandes réserves de cobalt, mais aucune d’elle n’est transformée localement ; application des documents signés par les chefs d’état , parce que les efforts de courte durée engendrent la rupture de continuité et l’éternel recommencement, si chaque président vient démanteler ce que son prédécesseur a fait .Il faut créer des agences de coordination de la ZLECAF dans les pays qui auront pour but de sensibiliser les syndicats et les opérateurs économiques et multiplier des ateliers d’information. C’est cet effort de persuasion auprès des syndicats et opérateurs qui a permis au gouvernement nigérian de ratifier finalement l’accord ; les petits pays ne doivent plus continuer à fermer les frontières sous prétexte de se voir envahir par les autres ; démanteler des barrages illégaux à l’intérieur des pays et diminuer des barrières commerciales sur l’essentiel du commerce ,sinon comment comprendre qu’entre deux pays on trouve trente deux barrières dont certaines sont factices ,c’est-à-dire des gens habillés en policiers alors qu’ils ne sont pas des policiers, habillés en douaniers alors qu’ils ne sont pas douaniers ,il faut remettre de l’ordre ;intégration des institutions concertées et procéder à une harmonisation des politiques commerciales ; le NEPAD pourrait accompagner la construction des infrastructures ; la banque africaine de développement (BAD) doit devenir une véritable banque de développement ; quand on a une vision, il faut définir la politique et les instruments :droits de douane, la qualité ,la logistique, le transport, les investissements, l’éducation et la santé ; développer une véritable politique agricole englobant à la fois la sécurité alimentaire donnant accès à l’aliment à un moindre coût ,quelle que soit la provenance et l’autosuffisance alimentaire.
En fin la ZLECA doit avoir de l’argent, car sans argent, elle ne servira pas à grand chose, d’où la nécessité de procéder à la recherche des capitaux.
Jean Pierre Ombolo